Plagiat de site internet
Avant toute chose, une petite définition du duplicate content (contenu dupliqué). Puis un bref retour d’expérience pour ceux qui seraient confrontés au problème de duplicate content volontaire (vol de contenu), avec la constatation suivante : la possibilité de rendre responsable l’hébergeur du contenu dupliqué est semé d’embûches !
Les faits, le plagiat
Un de nos clients, dont nous avions créé le site internet, nous informe quelques mois après sa mise en ligne que son site a été allègrement copié (copie pure des textes sur plusieurs pages, avec par endroits, ajout ou suppression de quelques mots). Fort bien, c’est la rançon de la gloire, mieux vaut être copié qu’ignoré ! Mais il faut bien défendre ses droits.
Première étape, nous contactons donc le contrefacteur (Mais non, il ne s’agit pas de quelqu’un qui s’oppose aux postiers…). Sans résultat, ce dernier ne se laisse pas impressionner. (Note pour plus tard : trouver un interlocuteur avec une voix très grave, comme ceux qui font les bandes annonces de film… ca peut peut-être jouer !)
Deuxième étape, notre agence décide donc d’appeler l’hébergeur du fameux site, afin de faire appel à sa responsabilité… d’hébergeur. Et voilà qui devient intéressant : après avoir entendu notre problème, cet hébergeur nous indique que l’envoi de preuves formelles de notre part ne pourrait en aucun cas l’obliger à intervenir sur ce site hébergé par ses soins, et que seule une action en justice débouchant sur une issue favorable pourrait l’y contraindre. Et argue du fait que n’importe qui pourrait ainsi dupliquer un contenu, puis prétendre qu’il a l’original, et appeler l’hébergeur du site préalablement copié pour le faire suspendre. Et que donc seule une action en justice pourrait contraindre l’hébergeur à suspendre un service.
Et vu comme ça, cela ne semble pas si idiot. Alors, l’hébergeur, responsable ou pas ? C’est ce que nous allons voir…
Responsabilité de l’hébergeur
Ce qui m’a amené à farfouiller un peu partout pour en savoir plus sur la véritable responsabilité de l’hébergeur. Or, voici ce qu’il ressort principalement de l’article de loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique.
- les hébergeurs ne sont pas considérés comme des éditeurs, ils n’ont donc pas une obligation générale de surveillance globale et directe des contenus qu’ils hébergent (ce qui serait impossible à faire pour de gros hébergeurs). Mais ils doivent en contrepartie obéir à des conditions spécifiques (voir dernier point).
- les hébergeurs deviennent par contre responsables dès lors qu’ils sont notifiés du caractère illicite d’un contenu, soit par le juge, soit par la victime, et qu’ils ne réagissent pas « promptement ».
- l’hébergeur doit alors trouver une solution « amiable » avec l’éditeur de données stockées. En cas d’échec, il devra adopter une solution proportionnée à la gravité du trouble sous peine d’engager sa responsabilité.
- Enfin, les hébergeurs doivent répondre à des obligations spécifiques (dispositifs de dénonciation, et conservation de certaines données).
Envoyer une notification à l’hébergeur
En résumé, un hébergeur n’est donc pas tenu responsable de contenus qu’il héberge, tant qu’il n’en a pas la connaissance directe. Or, l’envoi d’un courrier en recommandé lui indiquant quel contenu est illicite, et pour quelles raisons, le rend par contre immédiatement responsable, s’il ne réagit pas promptement. C’est ce que l’on appelle une « présomption de connaissance ».
Attention ! Il est dit que l’on doit impérativement joindre à cette notification une copie de la correspondance adressée à l’auteur (dans notre cas l’auteur du duplicate), afin de prouver à l’hébergeur cette première tentative infructueuse. A noter que l’article 6|4 réprime pénalement toute notification infondée, dont l’objectif principal serait de nuire à une activité.
Jusqu’ici, tout va bien. Mais toujours selon cet article de loi, cette « présomption de connaissance » semble se limiter à des cas flagrants et « manifestement illicites » (incitation à la haine raciale par exemple). Or, la duplication de contenu ne rentre pas dans ce cadre de « cas flagrants ». Il est même précisé que l’examen du juge est par principe nécessaire pour déterminer si un contenu porte atteinte à un droit de propriété intellectuelle.
Autant dire que pour notre cas de duplicate, ce n’est en effet pas gagné !
En conclusion
S’il on est victime de duplicate content :
- Il faut envoyer une demande écrite à l’auteur du plagiat.
- En l’absence de réaction positive de sa part, il faut envoyer une notification à l’hébergeur, en joignant la copie de la demande écrite préalablement envoyée au contrefacteur, et en apportant des preuves tangibles.
- Si l’hébergeur considère les preuves comme insuffisantes (en se réfugiant sous le principe que le droit à la propriété intellectuelle doit être examiné par un juge), il reste à porter l’affaire en justice.
Au final, cet hébergeur contacté par téléphone n’avait pas totalement tort. Il est plutôt compliqué de « faire bouger » un hébergeur pour un cas de duplicate content, ou de propriété intellectuelle de façon plus large, sans passer par une action en justice. Affaire à suivre…
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